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Radicalisation islamiste : ma très étrange première mise en examen

Comme directeur de la publication de Mediacités, je viens d’être convoqué au TGI de Toulouse après le dépôt d’une plainte pour diffamation de deux surveillants de prison soupçonnés de radicalisation islamiste. Une expérience qui mérite d’être racontée car elle dévoile un aspect méconnu des risques de notre métier.


Pour la première fois de sa jeune existence, Mediacités est mis en examen. Ce mercredi 9 octobre à 14 heures, le juge d’instruction Fabien Terrier l’a notifié au directeur de la publication de Mediacités que je suis, à l’occasion d’un interrogatoire de première comparution dans son bureau du TGI de Toulouse. La convocation nous était parvenue quelques semaines plus tôt, par recommandé avec accusé de réception. Pas question de ne pas se présenter à la justice ; pas question de ne pas être accompagné d’un avocat.


Ce jour-là, pourtant, l’entretien fut très formel. « Quelles sont vos date et lieu de naissance ? Quel est le nom de votre père et de votre mère ? (s’ils savaient qu’on les évoquerait un jour dans une salle de palais de justice…) Confirmez-vous être le directeur de la publication de Mediacités ? Combien d’abonnés avez-vous ? » Quinze minutes plus tard, je quittais le Palais de justice de Toulouse non sans avoir dûment signé le procès-verbal de l’interrogatoire qu’une greffière avait consciencieusement consigné. Le chef d’inculpation ? Diffamation.


L’interrogatoire de première comparution est la première étape de la procédure. Et en matière de presse, la mise en examen automatique dès lors qu’une plainte avec constitution de partie civile a été déposée. Dans les prochains mois, je recevrai une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. L’affaire sera alors jugée au fond. Que reproche-t-on à Mediacités ? Un article publié le 8 janvier dernier et intitulé « Occitanie : deux gardiens de prison soupçonnés de radicalisation islamiste ». Un sujet d’une brûlante actualité depuis l’attentat de la préfecture de Police de Paris, le 3 octobre, qui a fait quatre morts.


Diffamés sans être nommément cités ?


A Mediacités, nous prônons un journalisme sérieux, non sensationnaliste et qui évite toute mise à l’index. C’est pourquoi nous avons pris soin d’occulter le nom des deux surveillants concernés. Insuffisant aux yeux de ces derniers ! Ils ont estimé que leur honneur et réputation avaient été bafoués par l’article et ont déposé plainte pour diffamation… Comment est-il possible de diffamer quelqu’un dont le nom n’est pas cité ? « Selon la loi, c’est possible dès lors que l’identification est rendue possible par les termes de l’article incriminé ; et selon la jurisprudence, dès lors que le plaignant peut démontrer qu’il est identifiable par le public ou même par un cercle restreint d’initiés », explique Me Vincent Fillola, avocat de Mediacités.

Reste le fond du dossier. Mediacités a vérifié et recoupé ses informations comme les règles du bon journalisme l’imposent. Notre scoop a d’ailleurs été repris et complété le jour même par nos confrères de France 3 Occitanie (qui nous cite comme il se doit) et le lendemain par La Dépêche du Midi (qui ne nous cite pas, comme à son habitude, mais c’est une autre histoire). A notre connaissance, aucun de ces deux médias n’a pourtant fait l’objet d’une plainte pour diffamation. Depuis, le sujet a pris l’envergure que l’on connaît.


« De l’argent, de la fatigue… le tout pour un motif douteux. C’est aussi cela le quotidien des journalistes d’investigation »

L’administration pénitentiaire, comme la police, est confrontée à la question de la radicalisation islamiste en son sein. « Sur près de 30 000 gardiens de prison, il est statistiquement probable que certains d’entre eux aient ce profil », indiquait Christophe Miette, responsable Occitanie du principal syndicat d’officiers de police, dans notre article. Le sujet est ultra-sensible. Oui, des surveillants sont mis… sous surveillance par les services du renseignement et la sous-direction anti-terroriste de la police judiciaire. Une dizaine sont même classés, en France, dans la catégorie la plus sensible : le fichier FSPRT (Fichier de traitement des Signalements pour la Prévention de la Radicalisation à caractère Terroriste). Celui qui réunit des individus qu’on pense susceptibles de commettre des actes terroristes au nom de leur religion. Mais le soupçon n’équivaut pas à culpabilité. Sans faute professionnelle, l’administration pénitentiaire demeure dans l’impossibilité d’intervenir. Le casse-tête est complet.


Quelle sera la suite de cette plainte pour Mediacités ? Que risquons-nous ? Il sera intéressant de suivre les plaidoiries des avocats lorsque le procès se tiendra. Car si d’aventure Mediacités était condamné pour avoir diffamé dans cette affaire, la presse ne pourrait plus écrire grand-chose… Toujours est-il que cette petite aventure à un coût : il a fallu effectuer un aller-retour Paris-Toulouse – pour 15 minutes d’interrogatoire – et payer l’avocat qui nous a assisté lors du rendez-vous. De l’argent, de la fatigue… le tout pour un motif douteux. C’est aussi cela le quotidien des journalistes d’investigation.


Source : Médiacité

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